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point qu’au printemps prochain il serait le plus heureux des hommes.

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« Or, le cœur de Dave était aussi stable que l’Étoile Polaire, Braise d’Or aussi mouvante que pourrait l’être une aiguille aimantée, dans un tas de pierres d’aimant. Il se doutait bien qu’elle était aussi volage et légère qu’il serait, lui, sûr et fidèle. En sorte qu’habitué pourtant à ne se méfier de personne, il ne quitta pas la place sans protester.

« Peut-être s’émut-il d’un message secret qu’émettait vers lui l’âme de cette femme. Peut-être fût-ce simple jalousie amoureuse. Toujours est-il qu’il craignait d’être joué. L’idée de s’éloigner, sur la simple parole de Braise d’Or qu’elle lui garderait son cœur, l’exaspérait.

« En sorte qu’avant son départ vers le Nord, avec ses chiens, il y eut, entre elle et lui, une scène tragique. Je n’étais pas présent. Mais, tant par le récit que m’en fit le père Chauvet que par le bruit qui en courut à Dawson, il m’a été facile de la reconstituer.

« En présence du vieux vigneron français et de Braise d’Or, debout à côté de son père, Dave Walsh proclama qu’elle et lui étaient, à tout jamais, liés l’un à l’autre. D’un air dramatique, les yeux pleins d’éclairs, il déclara :

— La mort seule, désormais, peut nous séparer !

« Le vieux bonhomme se souvenait qu’à ce moment la main de fer de Dave s’abattit sur l’épaule de Braise d’Or, la lui broya presque, comme dans un étau, et qu’il s’écria, en secouant la jeune femme comme un prunier.

— N’oublie pas que, même dans la mort, tu resteras mienne et que, s’il le faut, je sortirai du tombeau pour te reprendre !