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fixa, comme si elle venait seulement d’avoir conscience de ma présence.

— Avez-vous vu Dave récemment ? me demanda-t-elle.

J’allais lui répondre tout ce que je pouvais lui dire : « Qui ça, Dave ? » lorsque, à travers la fumée du lard grésillant sur le feu, Lon se mit à tousser bruyamment.

Était-ce la fumée qui l’avait fait tousser, ou était-ce un avertissement de sa part ? Prudemment, je répondis :

— Non, je ne l’ai pas vu. Je suis nouveau dans la région et…

Elle m’interrompit.

— Vous n’allez pas prétendre que vous ignorez qui est Dave, le grand Dave Walsh ?

Je m’excusai de mon mieux :

— Nouveau venu, je le répète, j’arrive du bas pays…

Elle se retourna vers Lon.

— Vous, parlez-lui de Dave, dit-elle.

Lon, pris au dépourvu, entama une explication qui me parut un peu tirée par les cheveux. Il s’exprimait d’un air enjoué, qui n’était pas ordinairement son fait et qui me parut dépourvu de naturel.

— Oh ! dit-il, Dave est un beau spécimen d’homme. On ne saurait rien reprendre en lui, de la plante des pieds au faîte du crâne et, debout dans ses chaussettes, il mesure six pieds quatre pouces de haut. Sa parole vaut un écrit. Celui-là ment, qui affirme que Dave a jamais menti. Et je me charge de lui faire son affaire, si Dave ne la lui règle pas lui-même ! Dave est un rude lutteur. Certain jour, comme il se promenait avec un petit fusil, bon à tirer les perdrix, il flaira dans sa tanière un ours grizzly. Il alla l’y rejoindre et l’étrangla. Tout au plus fut-il un peu griffé ! Il n’a peur de rien. Il méprise l’argent et