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quement d’aller nous-mêmes, il se décida à nous relâcher.

Nous nous mîmes en route, vers notre cabane de bûches. Et là il y avait ce Spot, assis sur le seuil, qui nous attendait. Comment savait-il où nous habitions ? Dawson, l’été en question, comptait dans les quarante mille âmes. Comment avait-il pu discerner des autres notre cabane ? Comment savait-il même que nous étions à Dawson ? C’est moi qui vous le demande et vous laisse la peine de trouver une explication. Mais n’oubliez pas ce que je vous ai dit de l’intelligence surhumaine, de la lueur mystérieuse que j’avais vu luire dans ses yeux.

Nous ne pouvions songer à le brocanter une fois de plus. Il y avait trop de gens, à Dawson, qui l’avaient acheté déjà sur le Chilcoot. L’histoire avait fait son chemin.

Une demi-douzaine de fois, nous le déposâmes sur des vapeurs qui descendaient le Yukon. Il atterrissait, tout bonnement, à la première escale, et s’en revenait vers nous, en trottant le long de la rive.

En sorte que, ne pouvant ni le vendre ni le tuer, force nous était bien de le garder. Personne d’autre, non plus, ne pouvait le tuer. Il avait une vie surnaturelle. Je l’ai vu, dans la principale rue de Dawson, disparaître sous cinquante chiens, qu’il avait sur le corps. Lorsqu’on était parvenu à séparer les combattants, Spot reparaissait indemne, sur ses quatre pattes, tandis que deux au moins de ses adversaires, que l’on avait crus victorieux, gisaient morts, près de lui.

Une autre fois, je l’ai vu dérober un quartier de viande d’élan, dans la cachette de vivres du major Dinwiddie. La pièce était si lourde que c’est à peine si Spot pouvait maintenir sa distance entre lui et la cuisinière de Mrs  Dinwiddie, une Indienne, qui s’était lancée à ses trousses, armée d’une hache. La cuisinière dut abandonner finalement la poursuite et,