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surpris, un jour, en train d’ingurgiter le fouet. C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire. Il débuta par la lanière et, lorsque j’arrivai, pour constater le flagrant délit, il en était au manche.

Sa bonne apparence trompait tout le monde, comme elle nous avait trompés nous-mêmes. Grâce à quoi, au bout de huit jours, nous le vendîmes pour soixante-quinze dollars, à la Police montée. Elle a des conducteurs expérimentés, et nous ne doutions point qu’avant d’avoir couvert les soixante milles qui nous séparaient de Dawson, Spot serait devenu un chien modèle. Si nous n’en doutions point, c’est que nous le connaissions imparfaitement encore. Par la suite, nous devînmes plus circonspects.

Huit jours après, en effet, nous fûmes réveillés, un matin, par un vacarme infernal et un combat de chiens, à tout casser. Ce Spot était revenu nous trouver et reprenait son dressage des autres chiens du traîneau.

Notre déjeuner fut triste, je vous assure. Mais le sourire nous revint quand, deux heures après, nous revendîmes Spot à l’un des courriers locaux du Gouvernement, qui s’en allait, lui aussi, à Dawson, avec un chargement de dépêches officielles.

Au bout de trois jours, Spot était de retour et célébrait, par une bataille en règle avec ses anciens compagnons, sa joie de nous retrouver !

Après que nous eûmes franchi le défilé du Chilcoot, avec nos propres bagages, nous passâmes la fin de l’hiver et le printemps à transporter, à travers ces passes, les colis d’autres gens. Le métier était bon et nous rapportait un bénéfice estimable.

Nous gagnâmes aussi beaucoup d’argent, à vendre Spot. L’opération se renouvela bien vingt fois. Toujours il revenait, et personne ne venait le réclamer ou réclamer son argent. Nous nous en moquions, d’ailleurs, et nous eussions même payé très cher pour que