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ses doigts redevenaient sensibles. C’était comme un picotement bienfaisant, qui ne tarda pas à se muer en une cuisson atrocement douloureuse, mais qu’il accueillit avec joie. Il arracha la mitaine de sa main droite et se remit à fouiller dans sa poche, pour y prendre l’écorce de bouleau.

Il y réussit, non sans peine, et se saisit également de son paquet d’allumettes. Mais le formidable froid avait déjà chassé la vie de ses doigts.

Cependant qu’il s’efforçait de séparer des autres une allumette, tout le paquet chut dans la neige. Il tenta de ramasser les petits bouts de bois soufrés. En vain. Ses doigts inertes ne réussissaient pas à les saisir.

Il chassa de son esprit la pensée que ses pieds, son nez et ses pommettes achevaient de geler définitivement et, de toute son âme, banda sa volonté vers la conquête des allumettes. Avec d’infinies précautions il se pencha et, suppléant par la vue au sens du toucher, qui faiblissait, il amena sa main ouverte au-dessus du petit tas. Alors il la referma. Ou plutôt il tenta de la refermer. Car les doigts refusèrent d’obéir. Entre eux et la volonté la communication était coupée.

Il remit sa mitaine. Puis, de ses deux mains ainsi protégées, il ramena les uns sur les autres les petits bouts de bois et, par un travail infini, les enleva dans ses deux paumes, comme on fait d’une eau que l’on veut boire. Cela, non sans emporter en même temps beaucoup de neige.

Il leva le tout vers sa bouche et, faisant craquer, d’un violent effort, la muselière de glace, desserra ses lèvres. Rentrant alors la mâchoire inférieure, il tenta, avec la supérieure, de séparer les allumettes. Il parvint à en isoler une, qui tomba par terre. Il n’en était pas beaucoup avancé.

Il eut une excellente idée. Se courbant sur l’allumette, il la prit dans ses dents, puis la frotta le long