Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle avait été suffisante cependant pour rompre l’équilibre de la couche neigeuse et provoquer le désastre.

Ce fut d’abord, au faîte de l’arbre, une branche qui renversa sa charge de neige. La neige tomba sur la branche qui était au-dessous et, à son tour, celle-ci culbuta son faix. La chute continua, silencieuse et rapide, d’échelon en échelon. Puis, comme un bloc, la blanche avalanche s’abattit sur l’homme et sur son feu. La seconde d’après, rien ne restait du brasier rougeoyant. Plus rien, qu’un lit informe de neige fraîche, étalée.

*

L’homme en fut terrifié. Terrifié comme s’il venait d’entendre prononcer sa condamnation à mort.

Pendant un moment, il resta les yeux fixés sur la place du foyer disparu. Puis il redevint maître de lui et très calme.

Peut-être le vieux père lui avait-il dit vrai. S’il avait eu avec lui un compagnon de piste, le danger aurait assurément été moindre. Ce compagnon l’aurait aidé à reconstruire le feu, et son intervention n’eût pas été superflue. Mais, puisqu’il était seul, seul aussi il reprendrait la besogne. Et, mieux averti, il éviterait semblable catastrophe. Sans doute, il y laisserait quelques doigts de pied, qui achèveraient de geler, le temps que le second feu fût prêt. Mais qu’y pouvait-il ?

Voilà ce qu’il pensait. Cependant, il ne s’attarda point à d’inutiles réflexions. Tout en roulant ces pensées, il s’était remis au travail.

Il établit de nouvelles fondations pour son feu, à découvert cette fois, là où aucun arbre traître ne déverserait sa neige sur lui, pour l’éteindre. Il redescendit ensuite sur la berge du fleuve, afin d’y recueillir herbe sèche et brindilles.