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milles à franchir, vingt-huit milles y compris le Chilcoot.

Un instant, pour réajuster ses chaussures, avant d’entreprendre la longue escapade de la montagne, il s’assit. Immédiatement, il s’assoupit. Mais, trente secondes après, il était sur pied, car il sentait que s’il cédait au sommeil, il ne se réveillerait plus à temps ; et ce fut debout qu’il acheva de vérifier ses chaussures.

Fugitif comme une lueur d’éclair, le sentiment lui vint qu’il allait céder au sommeil et qu’en dépit de sa volonté, tous ses muscles se détendant, son corps allait s’effondrer. D’un effort rageur, il se raidit, se ramassa sur lui-même et ne tomba pas. Mais cette dépense d’énergie lui causa un ébranlement cérébral infiniment douloureux. Il tremblait de tous ses membres. Il se frappa le front de la paume de ses mains, comme pour mieux retrouver ses esprits.

À ce moment, par une chance inespérée, passait Jack Burn, qui regagnait son campement du lac du Cratère, avec ses deux mules. Il invita Churchill à enfourcher l’une d’elles et à charger son sac sur la seconde. Fred Churchill refusa de se séparer du sac et déclara qu’il préférait le tenir devant lui, sur sa selle. Mais, comme il tombait de sommeil, il croyait à tout instant que le sac allait lui échapper. Et de fait, celui-ci ne cessait de glisser d’un côté ou de l’autre.

Lorsque la nuit fut venue, la mule que chevauchait Fred Churchill mit en contact son cavalier avec une grosse branche de sapin, qui dépassait sur le sentier. Fred en eut la joue toute fendue. Comble de malheur, la mule, peu après, fit un faux pas et s’abattit, envoyant l’homme et le sac rouler sur les rochers. Après quoi, Fred Churchill résolut d’aller à pied, en tenant la bête par la bride et en trébuchant avec elle dans les roches et les cailloux roulants.

La piste rude que suivait la petite caravane était