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et son contenu. Puis il songea qu’il ne pouvait abandonner ainsi le sac de Louis Bondell, qui s’y trouvait inclus. Non, ce trésor de poudre d’or ne lui appartenait pas. Il en était responsable et ne devait pas s’en dessaisir. Il vida donc sur le sol toutes ses nippes, en tira le précieux sac de cuir et, le prenant à la main, courut vers le quai d’embarquement. La pirogue flottait déjà sur le Yukon. Chemin faisant, il n’avait pu s’empêcher de trouver que le petit sac était terriblement lourd et il se demanda si, en estimant son poids à quarante livres, il n’était pas demeuré au-dessous de la vérité.

Il était quatre heures et demie de l’après-midi lorsque les deux hommes se mirent en route.

Le courant du fleuve était si rapide qu’à certains endroits il était impossible de le remonter à la pagaie. Les deux hommes devaient alors accoster au rivage et, se frayant un chemin parmi les rochers et les broussailles, haler l’embarcation à l’aide d’une corde. Souvent, ils avaient de l’eau jusqu’aux genoux, voire jusqu’à la ceinture. Parfois, ils tombaient et se relevaient tout écorchés. Ils se remettaient ensuite à pagayer, entre les deux falaises abruptes qui étranglaient le courant. Il y avait des remous furieux contre lesquels ils luttaient et c’était merveille qu’ils pussent tenir sans être rejetés et brisés contre l’une ou l’autre des deux murailles.

Labeur épuisant. Nick Antonsen, en vrai géant qu’il était, semblait à peine faire effort. Il trimait placidement. Plus nerveux, Fred Churchill suait et soufflait, et s’exaspérait. Les deux hommes ne prenaient pas une minute de repos. Il fallait aller de l’avant, aller, aller sans trêve. Un vent glacé, rasant le fleuve, leur gelait les doigts sur leurs pagaies. De