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cure, quoiqu’elle saignât abondamment. La grande artère avait été atteinte, mais il l’ignorait.

Ce qui frappa d’abord Morganson, ce fut, comme pour le guide, la pâleur extrême d’Oleson. Sa trogne rouge de la veille au soir ressemblait maintenant à du marbre blanc. Avec ses cheveux et ses sourcils d’un blond pâle, le géant abattu avait l’air d’une statue, bien plutôt que de ce qui, quelques minutes auparavant, avait été un homme.

Ayant enlevé ses moufles, Morganson commença à fouiller le cadavre. Sur la peau, autour de la taille, il n’y avait pas de ceinture creuse, destinée à recevoir l’argent de celui qui la portait.

Nulle part, non plus, dans les vêtements, de petit sac de poudre d’or. Il trouva seulement, dans une poche de poitrine, ménagée dans l’étoffe de la chemise, un portefeuille de cuir. De ses doigts, qu’engourdissait rapidement le froid, il l’ouvrit et en scruta hâtivement le contenu. Le portefeuille enfermait des lettres dans leurs enveloppes, timbrées de l’étranger, divers reçus et des feuilles de papier portant des comptes divers ; puis encore une lettre de crédit, de huit cents dollars. Et c’était tout. Pas un sou d’argent liquide.

Morganson, désappointé, décida de s’en revenir vers le traîneau. Mais un de ses pieds s’était comme enraciné dans le sol. Il abaissa son regard et vit, autour de son mocassin, une flaque de sang congelé. La neige qui était attachée à la jambe de son pantalon était rouge aussi.

D’un violent effort, il se dégagea de l’emprise glacée de son propre sang et rallia le traîneau. Le molosse qui l’avait mordu recommença à grogner et à bondir vers lui dans ses traits. Les autres chiens firent de même.

Durant un bref instant, Morganson pleura. De droite et de gauche il balança son corps indécis. Puis

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