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verts. Les sept autres chiens n’avaient pas la mine plus rassurante.

Morganson tenta de passer outre. Mais toute la meute, sauf le chien de flèche qui ne bougea pas du corps de son maître, bondit vers lui. Il s’arrêta de nouveau et tenta d’amadouer les animaux, les menaçant et les cajolant alternativement.

Il remarqua, étonné, avec quelle rapidité le flux de la vie avait quitté le cadavre du guide, dont le visage, sous l’influence du froid intense, était déjà livide. Quant à John Thomson, qui était tombé sur le dos, sur le traîneau chargé, sa tête s’était enfoncée entre deux sacs. Seuls en émergeaient son menton levé et sa barbe noire, qui pointait vers le ciel.

Voyant qu’il était impossible d’atteindre de front le traîneau, Morganson recula de quelques pas et décrivit autour un grand cercle, afin de l’aborder par l’arrière. Mais le chien de flèche, qui l’observait, se remit brusquement sur ses pattes. Entraînant les autres bêtes à sa suite, tout l’attelage fit volte-face et, dans l’echevêtrement de ses harnais, courut, furieux, sur Morganson.

Trop faible était celui-ci pour avoir la rapidité de mouvements nécessaire. Il essaya bien de battre promptement en retraite. Mais il ne put empêcher que l’énorme chef de file, se précipitant sauvagement sur lui, ne lui enfonçât dans le mollet ses longs crocs. Il réussit à se dégager, mais la chair fut profondément arrachée et déchirée.

Morganson lança, à l’adresse des chiens, une bordée d’injures, qui ne les intimida point. Ils lui répondirent par de nouveaux grognements, de nouveaux hérissements du poil, et des bonds désordonnés dans les courroies qui leur enserraient la poitrine.

Alors il leur tourna le dos et, se souvenant d’Oleson qui était tombé un peu plus loin, il marcha vers le cadavre du Suédois. De sa jambe lacérée il n’avait

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