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soutint une lutte âpre contre lui-même et revint au calibre primitif.

Le cinquième jour, la piste de Yukon se ranima. Vers le Sud, apparut une silhouette sombre, qui grossit peu à peu. Morganson, du coup, s’alerta. Afin de s’assurer si le mécanisme fonctionnait bien, il fit jouer son fusil, chassa du magasin une cartouche, qu’il remplaça par une autre, avec laquelle il recommença la même expérience.

Ensuite il s’agenouilla dans son trou, releva lentement la détente de son arme, et la rabaissa avec des précautions identiques. Puis il la couvrit de sa moufle, afin de tenir tiède le métal.

À mesure que s’avançait l’ombre noire, il put discerner que c’était un homme qui voyageait à pied, seul, sans chiens ni traîneau, ni aucune sorte d’équipement.

Morganson devint nerveux. Le gibier était maigre. D’une main hésitante, il arma cependant son fusil. Mais il se trouva, en fin de compte, que le voyageur était simplement un Indien.

Morganson poussa un soupir désappointé et laissa retomber son arme. L’Indien, poursuivant paisiblement sa route, passa devant lui et disparut, peu après, dans la direction de Minto, derrière le contrefort boisé de la vallée.

Cet échec ne découragea point Morganson. Il songea, au contraire, à parfaire son embuscade. Il se reporta, avec son fusil, un peu en arrière, jusqu’à l’entrée du marécage, parmi les premiers peupliers et les buissons touffus dont ils émergeaient.

Sur le tronc d’un des arbres, il pratiqua, avec sa hache, une large encoche, sur laquelle il posa son fusil. Puis il repéra, à loisir, la direction du canon, qu’il pointa exactement vers la piste du fleuve, à hauteur d’homme.

Ainsi, nul besoin n’était plus de contrôler constam-

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