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Un instant encore, il se réchauffa les mains aux débris du feu, puis enfila ses moufles. Ses pieds le faisaient souffrir et ce fut en boitant visiblement qu’il alla prendre place à la tête du traîneau.

Il passa sur son épaule la boucle de la corde qui servait au halage et donna de toute sa force, pour faire démarrer le traîneau. Il eut un recul sous la souffrance qui en résultait pour lui. Car la corde lui avait, sous ses vêtements, au cours de longues journées de ce labeur, écorché la peau, et il dut s’y reprendre à deux fois pour se mettre en route.

La piste longeait le lit gelé du Yukon. Au bout de quatre heures de marche, elle décrivait une courbe, par laquelle Morganson atteignit Minto.

C’était une ville en herbe, perchée sur le faîte d’un haut coteau, au milieu d’une clairière récemment ouverte. Elle se composait, au total, d’une maison en rondins, couverte en chaume de joncs, d’un cabaret et de quelques cabanes.

Morganson laissa son traîneau à la porte du cabaret, où il pénétra.

Il déposa sur le comptoir un petit sac à or, qui semblait vide, et demanda :

— Y en a-t-il assez, là-dedans, pour boire un coup ?

Le tenancier du lieu jeta un coup d’œil rapide sur le sac, puis sur l’homme, et sortit un verre avec une bouteille.

— Ne t’inquiète pas pour le paiement, dit-il.

— Prends toujours ce qui reste… insista Morganson.

Le cabaretier se saisit du sac, le tint renversé sur un des plateaux de ses balances, le secoua, et quelques bribes de poudre d’or en tombèrent.

Morganson reprit le sac, le retourna pour bien s’assurer qu’il était vide et déclara, d’un air étonné :207