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s’il pouvait supporter la douleur, il était sauvé. Les vapeurs de soufre l’étouffaient, et la flamme bleue lui léchait les mains.

Au début, il ne sentait rien, mais la flamme ne tarda pas à brûler la surface gelée. L’odeur de chair grillée — sa chair à lui — arrivait, forte jusqu’à ses narines. Il se tordit de douleur, mais tenait bon. Il serrait les dents, se balançait d’avant en arrière, jusqu’à ce que jaillisse la flamme de l’allumette, et qu’il l’approche des feuilles et des herbes. Il s’ensuivit cinq minutes d’attente angoissée, mais le feu gagnait régulièrement. Il se mit alors à l’œuvre pour se tirer d’affaire. Des mesures héroïques étaient nécessaires, il en était réduit à cette extrémité, il prit donc ces mesures.

Alternativement, il frottait ses mains de neige, les exposait à la flamme, les heurtait aux troncs d’arbres les plus durs, et il parvint ainsi à rétablir sa circulation de manière à les rendre utilisables. À l’aide de son couteau de chasse, il sépara les courroies de son sac, déroula sa couverture, sortit des socques et des chaussures secs.

Puis il coupa ses mocassins et dénuda ses pieds. Mais tandis qu’il avait pris des libertés avec ses mains, il tint ses pieds nettement à l’écart du feu et il les frictionna avec de la neige. Il procédait ainsi jusqu’à ce que ses mains soient engourdies, couvrait alors ses pieds de la couverture, se réchauffait les mains devant le feu, et recommençait ses frictions.

Il travailla ainsi pendant trois heures jusqu’à ce que les pires effets du gel aient été combattus. Toute cette nuit-là il resta à côté du feu, et ce n’est que tard le lendemain qu’il entra dans le camp de Cherry Creek en boitant lamentablement.

En un mois il était redevenu capable de se tenir sur ses pieds, mais ses orteils devaient toujours rester très