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la large entrée de sa poche extérieure avant d’enfiler ses moufles, en proie au désespoir, et de partir sur la piste. Cependant on ne peut pas dégeler des pieds humides avec soixante degrés au-dessous de zéro et même moins, comme il ne tarda pas à s’en apercevoir.

Il prit un tournant brusque du cours d’eau gelé pour arriver en un point où il voyait devant lui à un mille de distance. Mais il n’y avait personne pour lui venir en aide, rien qui indique une présence, il n’y avait que des arbres blancs, des collines blanches, le froid silencieux et l’immobilité, et un silence d’airain. S’il avait seulement eu un camarade dont les pieds n’auraient pas été en train de geler, se disait-il, simplement un camarade pour allumer le feu qui pouvait le sauver !

Ses yeux se portèrent alors au hasard sur un autre tas de branchages et de feuilles déposé par les eaux en crue. S’il pouvait seulement gratter une allumette tout pourrait aller bien. Avec des doigts roidis qu’il ne pouvait plier, il sortit une poignée d’allumettes, mais s’aperçut qu’il lui était impossible de les séparer. Il s’assit et les étala maladroitement sur ses genoux jusqu’à ce qu’il ait toutes ces allumettes posées sur la paume de sa main, les bouts soufrés faisant saillie, un peu à la manière de la façon qu’aurait la lame d’un couteau de chasse de faire saillie quand on le tient serré dans son poing.

Mais ses doigts restaient roides. Ils ne pouvaient rien saisir. Il en vint à bout en pressant dessus le poignet de l’autre main et en les forçant à serrer la poignée d’allumettes. En tenant ainsi les allumettes, il essaya à plusieurs reprises de les frotter sur sa jambe et il finit par y parvenir. Mais la flamme lui brûlait profondément la main et, sans pouvoir s’en empêcher, il relâcha sa pression. Les allumettes tombèrent dans la neige et, tandis qu’il tentait en