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Paul Creek, jusqu’à la ligne de partage des eaux séparant cette vallée de Cherry Creek, où les membres de son expédition étaient en train de prospecter et de chasser l’élan.

Il faisait soixante degrés au-dessous de zéro, il avait à parcourir trente milles d’une piste solitaire, mais il ne s’en souciait pas. En réalité, cela lui plaisait, il marchait à longues enjambées dans le silence, un sang chaud coulait dans ses veines, il avait l’esprit exempt de soucis, il était heureux. Car lui et ses camarades étaient certains d’avoir trouvé le filon là-bas sur la ligne de partage des eaux de Cherry Creek ; et, de plus, venant de Dawson il allait les rejoindre en leur apportant le réconfort de lettres de chez eux aux États-Unis.

À sept heures, quand il tourna les talons de ses mocassins dans la direction du camp du Calumet, il faisait encore nuit noire. Et quand le jour parut à neuf heures et demie, il avait franchi le raccourci de quatre milles à travers la plaine et avait remonté Paul Creek de six milles. La piste, sur laquelle on n’était guère passé, suivait le lit du torrent, et il ne pouvait se perdre. Il s’était rendu à Dawson par Cherry Creek et la rivière Indienne, si bien que Paul Creek lui donnait une impression de nouveauté et d’inconnu. Vers onze heures et demie il se trouvait aux fourches qu’on lui avait décrites, et il sut ainsi qu’il avait couvert quinze milles, soit la moitié de la distance.

Il savait que, du fait de la nature des choses, la piste ne pouvait que devenir plus mauvaise à partir de cet endroit et il estima qu’en raison du peu de temps qu’il avait mis, il méritait bien de déjeuner. Il posa son sac, s’assit sur un arbre tombé à terre, sortit sa main droite de sa mouffle, glissa la main dans sa chemise jusqu’à sa peau, et en sortit deux biscuits entre lesquels se trouvait une tranche de lard ; ce sandwich était enveloppé dans un mouchoir — c’était