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jaillir de l’eau leurs éclairs. La femme s’épuisait, elle aussi, à ramer. Mais sa course était moins rapide.

Voyant qu’Akoun ne tenait aucun compte de ses paroles, le capitaine voulut se saisir de la roue du gouvernail. Mais l’Indien le repoussa brusquement, avec un regard menaçant. Le capitaine, effrayé, laissa faire, en marmottant :

— Ce va-nu-pieds ! Il prétend commander…

Akoun arrêta le vapeur juste à temps pour l’empêcher de s’échouer sur un bas-fond, et attendit. Quelques minutes après, la squaw abordait, abandonnant sa pirogue, et se hissait à bord, à l’aide d’une corde, qu’on lui jeta. Aussitôt, Akoun commanda de faire marche arrière. Le Seattle s’éloigna, à toute vitesse, au grand désappointement des gens qui étaient dans la grande barque.

El-Sou, éclatant de rire, se pencha vers la lisse et cria :

— Allons, attrape-moi, Porportuk !

À l’escale de Fort-Yukon, Akoun et El-Sou débarquèrent. Akoun fréta une petite barque, sur laquelle tous deux se mirent en devoir de remonter le cours du Porcupine et de fuir à l’extrémité du monde.

Ce fut une navigation fatigante, mais qu’Akoun avait déjà pratiquée. Ils arrivèrent ainsi à la source du fleuve, dans les montagnes Rocheuses où ils s’enfoncèrent à pied.

Akoun se délectait à voir El-Sou marcher devant lui, à admirer tous les mouvements, si harmonieux, de son corps. Il ne cessait de regarder ces jambes faites au moule, qui s’arrondissaient dans leurs fourreaux de cuir souple, ces fines chevilles et, dans les mocassins qui les chaussaient, ces petits pieds infatigables, même au cours des plus longues marches.

— Tu es légère comme l’air ! disait Akoun. Tu ne marches point, tu voltiges. Tes pieds posent à peine sur le sol et je ne m’étonne point que tu ignores la