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tard. Il était harassé et furieux. Il ne parla à personne, sauf à Akoun, à qui, pour passer sa colère, il tenta de chercher querelle. Mais Akoun haussa les épaules et, lui tournant le dos, s’éloigna. Porportuk ne se tint pas, cependant, pour battu. Sans s’attarder plus longtemps à Tana-Naw, il enrôla une demi-douzaine de jeunes Indiens, réputés parmi les meilleurs trappeurs du campement et, se mettant à leur tête, s’enfonça derechef dans la forêt.

Le jour suivant, le Seattle, un des vapeurs qui effectuaient la navigation du Yukon, fit escale à Tana-Naw. Quand il leva l’ancre et repartit, en battant l’eau de son hélice, on vit qu’Akoun, qui s’était fait admettre comme pilote, était à bord.

Le vapeur descendit le fleuve, plusieurs heures durant. Akoun était à la barre et ne cessait point d’observer le rivage. Soudain, son attention fut attirée par une longue pirogue, faite d’écorce de bouleau, qui se détachait de la berge. Une seule personne s’y trouvait.

Akoun donna l’ordre à la chaufferie de ralentir la vitesse et mit le cap vers la rive. Le capitaine du vapeur, s’apercevant de la manœuvre, vint vers Akoun et demanda :

— Qu’y a-t-il ? Le fleuve est calme. Pourquoi ralentir et où vas-tu ?

Akoun émit, pour toute réponse, un sourd grognement. Il venait d’apercevoir une seconde barque, plus grande et chargée de plusieurs hommes, qui venait à son tour de quitter le rivage. Il fonça droit vers la petite pirogue.

Le capitaine s’emporta.

— C’est, dit-il, pour la femme qui est là-dedans que tu veux faire stopper le navire ? Ce n’est qu’une squaw !

La grande barque forçait de vitesse. Six hommes robustes y manœuvraient les rames, qui faisaient