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Quand la pesée fut terminée, et quand les trois tas, d’un jaune sombre, se furent élevés sur la table, El-Sou parla ainsi :

— Mon père devait, en mourant, à la Compagnie du Poste, trois mille dollars. Réserve, Tommy, le second tas à l’extinction de cette dette. Puis voici quatre bons serviteurs, fort cassés et usés. Tu les connais comme moi. Prends, à leur intention, le petit tas de mille dollars. Tu auras soin, avec cet argent, que les quatre vieillards ne manquent jamais de nourriture ni de tabac.

Tommy, à l’aide d’une grande cuiller, versa, dans deux sacs séparés, les deux tas de poussière d’or. Six mille dollars gisaient encore sur la table. El-Sou y plongea ses deux mains et, se retournant brusquement, envoya dans le Yukon une pluie tourbillonnante de poussière jaune.

Porportuk, à cette vue, s’était élancé et avait saisi les poignets d’El-Sou, qui s’apprêtait à réitérer son geste.

— Cet or m’appartient… dit-elle tranquillement.

Porportuk lâcha sa prise. Mais il continuait à marmonner, grinçant des dents, et de plus en plus sombre et renfrogné, à mesure qu’El-Sou continuait à faire voler le tas dans le fleuve, jusqu’à ce qu’il n’en restât rien.

Ce spectacle, peu banal, une fois terminé, la foule reporta son attention vers Akoun et vers l’homme de Porportuk, qui tenaient braqués l’un vers l’autre le canon de leurs fusils. L’homme avait le doigt sur la gâchette, prêt à tirer. Mais Akoun ne bronchait toujours pas.

— Qu’on dresse l’acte de vente ! ordonna Porportuk, d’une voix farouche.

Et Tommy rédigea l’acte par lequel la femme El-Sou devenait, intégralement, la propriété de l’homme Porportuk.

El-Sou signa ce titre, que Porportuk plia ensuite et