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malgré sa pauvreté. Chasseur habile, Akoun avait beaucoup voyagé. Il avait erré parmi les plus lointaines solitudes du Northland, traversé vers l’est toute l’Amérique du Nord, jusqu’à la baie d’Hudson, et navigué à l’ouest, vers la Sibérie et le Japon, sur un navire qui chassait les phoques. Vers le sud, il était descendu jusqu’au territoire des États-Unis. Toutes ces pérégrinations ne l’avaient pas enrichi, ni même une expédition vers le Klondike et le Pays de l’Or.

À son retour au Poste, trois ans après celui d’El-Sou à la maison paternelle, il avait connu la jeune fille et, dès lors, ne s’était plus éloigné. Il avait même refusé un salaire de vingt dollars par jour, comme pilote à bord des grands vapeurs du Yukon. Il vivait du produit de sa chasse et de sa pêche, qu’il pratiquait dans un rayon peu éloigné et rendait de fréquentes visites à la grande maison de Klakee-Nah.

El-Sou, de son côté, l’avait comparé à beaucoup d’autres hommes et avait estimé qu’il leur était supérieur. Il chantait pour elle et, en sa présence, il trahissait sa joie par l’ardeur brûlante de son regard. Il n’était personne pour ignorer qu’il était épris de la jeune fille.

Porportuk en était instruit comme les autres. Mais il se contentait d’en sourire, avec un air narquois, avançant à force de l’argent, pour que continuât le train somptueux de la grande maison.

*

Puis le jour arriva, du repas funèbre de Klakee-Nah.

Le vieux chef agonisant s’assit à son dernier festin. La mort était dans son gosier et le vin restait impuissant à l’y noyer. Les rires, les plaisanteries et les chants, alternant avec les beuveries, résonnaient comme de coutume, et Akoun conta une histoire si