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c’était uniquement dans l’intérêt de sa santé et pour qu’il ne titubât point sur la terre ferme.

Les hôtes, que recevait et régalait Klakee-Nah, étaient perpétuels et innombrables. Les poutres qui soutenaient le plafond de la vaste salle où l’on festoyait, sous la présidence du vieux chef, étaient sans cesse ébranlées par le bruit des chants et les clameurs de l’orgie.

Devant la table s’asseyaient les convives les plus hétéroclites, venus de toutes les parties du monde : chefs peaux-rouges, de tribus éloignées, rendant visite à Klakee-Nah ; colons anglais et de toutes races ; trafiquants yankees, aux longs corps maigres ; corpulents fonctionnaires des Compagnies installées dans le pays ; cow-boys des montagnes de l’Ouest ; gens de mer, trappeurs, conducteurs de chiens, de vingt nationalités diverses.

El-Sou évoluait à l’aise dans ce milieu cosmopolite. Elle parlait l’anglais, aussi bien que sa langue maternelle, et chantait en anglais ballades et romances. Mais elle connaissait aussi tous les us et coutumes des Indiens et, lorsqu’il était nécessaire, portait à ravir le costume national des filles des chefs de tribus. Le plus souvent, elle s’habillait comme les femmes blanches. Ce n’est pas pour rien qu’elle avait reçu les leçons de couture de l’ouvroir de la Mission. Elle-même, selon les règles, se taillait et confectionnait ses robes qu’elle portait ensuite avec un bon goût parfait.

Elle était, à sa manière, aussi étonnante que son père et sa situation était unique. Elle était la seule femme indienne susceptible de se mettre, avec les quelques femmes blanches du Poste, sur le même pied d’égalité sociale ; la seule qui n’eût jamais été insultée par un Blanc ; la seule à qui des Blancs eussent fait entendre d’honnêtes propositions matrimoniales.

El-Sou, en effet, était belle. Physiquement, elle