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pour la satisfaire et payer les embellissements qu’elle ordonna, emprunta, sans sourciller, un millier de dollars aux vieux Porportuk, qui était son banquier coutumier. Il fit, en outre, de nombreux achats à crédit. Bref, le grand logis fut complètement transformé et Klakee-Nah put y continuer, avec une splendeur nouvelle, ses vieilles traditions de large hospitalité.

Tout cela était fort extraordinaire pour un Indien du Yukon. Mais Klakee-Nah n’était pas non plus un Indien ordinaire. Naturellement libéral, il aimait à témoigner, devant tous, de sa dignité de chef et de la puissance de ses ressources. L’argent ne lui manquait pas et il en usait généreusement.

Lorsque le Poste de Tana-Naw était venu s’établir sur le Yukon, Klakee-Nah avait tant soit peu pressuré sa tribu et réussi quelques bonnes opérations, avec les Compagnies commerciales des Blancs. Par la suite, il avait, associé à Porportuk, découvert un filon d’or dans le lit de la rivière Koyotuk. Mais, dédaigneux de l’exploiter lui-même, il avait vendu sa part à son associé. Il était retourné dans sa grande maison, où il avait mené, dès lors une existence quasi royale. Klakee-Nah était un fantaisiste, un poète, heureux de se saouler de vin et de chansons.

À l’encontre de lui, Porportuk était avant tout un homme d’affaires, travaillant et peinant, comme un honnête bourgeois, et ne songeant qu’à arrondir son magot.

Aussi aisément qu’elle s’était adaptée aux habitudes et aux manières d’être de la Mission de la Sainte-Croix, El-Sou prit celles qui convenaient dans la grande maison de rondins. Elle ne songea pas un instant à entreprendre la conversion de son père et à le conduire vers Dieu. Sans doute, le gourmandait-elle véhémentement, lorsqu’il buvait outre mesure. Mais