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s’envolait éperdument jusqu’à l’Empyrée, sur les ailes mystiques de l’idéal.

Le croupier, cependant, suait à grosses gouttes, s’emportait, criait, protestait et continuait à verser de larges rasades. Et la discussion recommençait, sans aucune chance d’aboutir désormais.

À deux heures du matin, Jim le Frisé s’avoua vaincu. Il prit successivement par les épaules les trois hommes titubants et les poussa dehors.

Une dernière fois, le trio qui, bras dessus, bras dessous, maintenait à grand-peine son équilibre, se retourna vers lui.

— Le Frisé, émit Marcus O’Brien, tu es un honnête homme ! Voilà comme j’aime traiter les affaires… Bon et généreux… Et hospi… hospi… hospitalier… Rien de vil et de cupide en toi… Je… je… je…

Mais Jim, exaspéré, leur ferma brusquement la porte au nez.

Alors un rire inextinguible secoua les trois compères. Longtemps ils demeurèrent là, à rire dans la nuit, d’un rire hébété, sans savoir au juste pourquoi ils s’esclaffaient. Puis ils reprirent la discussion interrompue.

— Combien dis-tu qu’il y avait d’or à la bâtée ? demanda Mucluc Charley.

— Je ne te parle pas de batée… riposta Leclaire. Je te parle de mon chien… Un chien épatant pour le lapin… Il s’appelait… Comment donc s’appelait-il ?… Allons, bon ! Voilà, le diable m’emporte, que je perds la mémoire…

Quant à O’Brien, il avait glissé des bras de ses deux compagnons et, assis sur le seuil de la cabane, il ronflait bruyamment.

Le Frisé rouvrit la porte et reparut.

— Comment ? hurla-t-il, vous êtes encore là ? Rentrez chez vous !

— J’avais cette même idée, dit Mucluc Charley à