Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il reprit haleine et expectora :

— Je te parle en cette affaire comme un conseiller tout dévoué… Aussi je me permets de te suggérer… de te suggérer qu’il y a peut-être dans ton filon… plus d’autruches que tu ne crois. Diable… Diable…

Il engloutit un autre verre, qui parut remettre de l’aplomb dans ses idées, et il reprit, avec gravité :

— Oui, c’est là, c’est là que je veux en venir…

Six fois de suite, il se frappa violemment le côté de la tête, de la paume de sa main, comme pour en faire sortir ses idées.

— Ah ! cette fois j’y suis ! Suppose, O’Brien, qu’il y ait dans ton trou plus de dix mille dollars !

O’Brien, qui semblait prêt à conclure le marché, changea aussitôt d’opinion.

— Superbe ! s’écria-t-il. Tu as, Mucluc, une idée de génie ! C’est curieux, mais je n’avais pas songé à ce que tu dis là…

Il prit les mains de Mucluc Charley et les lui serra avec émotion.

— Bon ami ! Oui, bon’socié ! Merci… Merci…

Il se retourna vers Jim et prit un ton agressif.

— Il peut y avoir cent mille dollars dans mon trou ! Sûrement, le Frisé, que tu ne voudrais pas dépouiller un honnête homme… Je te connais assez pour en être certain… Oui, oui, je te connais… Mieux que toi-même. Encore une tournée ! Nous sommes ici entre bons amis… Il n’y a ici que des amis !

Le whisky continuait à disparaître et la discussion reprenait son train. Les espoirs de Jim le Frisé montaient et descendaient alternativement, comme le whisky dans les verres.

Tantôt Leclaire plaidait en faveur d’une vente immédiate et arrivait presque à gagner à sa thèse l’hésitant O’Brien, pour voir, l’instant d’après, son succès contrebattu par d’autres arguments, plus bril-