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moi… Voilà le pays où je veux finir mes vieux jours. Et là, pour faire fructifier ma fortune, je m’occuperai… À quoi ai-je dit que je m’occuperai ?

— À élever des autruches… proposa Mucluc.

— Sûrement, voilà à quoi je m’occuperai !

Marcus O’Brien passa sa main sur son front et, se raffermissant sur son siège, regarda Mucluc Charley d’un air effaré.

— Comment as-tu appris cela ? Je ne l’avais jamais dit à personne. Je m’en souviens, maintenant, je ne l’avais jamais dit… Tu lis donc dans ma pensée, Charley ? Cela me fait peur… Allons, le Frisé, encore une rasade !

Jim emplit de nouveau les verres et regarda disparaître avec mélancolie les trois dollars qu’ils représentaient. Bien plus, il dut y aller d’un quatrième dollar, car O’Brien prétendait boire lui-même autant de fois que ses commensaux.

— Tu ferais mieux de prendre immédiatement l’argent, opina Charley Leclaire. Tu en auras pour deux ans à sortir l’or de ton trou. Durant ce temps, tu élèveras dans ta ferme deux couvées de mignons petits babies d’autruches et, deux fois, tu plumeras les grosses.

Marcus O’Brien réfléchit à cette idée, quelques moments durant, puis il fit, de la tête, un signe d’acquiescement. Jim le Frisé remercia Leclaire du regard et remplit derechef les verres.

Mais Mucluc Charley intervint :

— Attends un peu avant de te décider, O’Brien ! Attends encore un peu… Halte-là !

Sa langue commençait à s’empâter et à fourcher.

— Je te parle, O’Brien, continua-t-il, comme ferait ton père confesseur… Attends un peu… Que voulais-je dire ?… Oui, je te parle comme ton père… comme ton frère aussi… comme ton ami… Diable ! Je n’y suis plus…