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ment de ses défaillances. C’était un rude partenaire que Jim le Frisé avait en face de lui, et qui se plaisait à embrouiller les cartes. Le whisky était bon. Cela seul était certain. Et Jim le Frisé affirmait, en effet, qu’il provenait d’un fût spécial et valait douze fois celui que contenaient les cinq autres tonneaux.

La scène se passait dans l’arrière-pièce d’une sorte de bar où, durant ce temps, Siskiyou Pearly débitait aux hommes de Red Cow d’autres verres de whisky, ceux-là contre argent comptant. Marc O’Brien avait naturellement le cœur large. Il songea que là, à côté, il avait des amis auxquels il convenait de faire partager son bonheur. Il se leva donc, pour s’en revenir, quelques instants après, en compagnie de Mucluc Charley et de Percy Leclaire.

— Je te présente mes’sociés, mes’sociés, annonça-t-il au Frisé, avec un coup d’œil significatif et un bon gros rire ingénu. Il convient d’avoir toujours confiance en leur jugement. Tu peux, comme moi, le Frisé, t’en fier à eux. Ce sont de bons types ! Donne-leur de l’eau de feu et reprenons notre affaire !

Jim le Frisé fit à part lui la grimace, devant les deux nouveaux invités que lui imposait O’Brien. Mais il songea que, du filon, la dernière batée qu’il avait lavée avait bel et bien produit sept dollars, et il décida sur-le-champ qu’une pareille acquisition valait bien les tournées supplémentaires de whisky qu’il allait verser, alors même que, de l’autre côté de la cloison, chacun de ces verres se vendait un dollar.

— Je n’ai pas dit encore que je marcherai… expliqua Marcus O’Brien à ses deux amis, entre deux hoquets, tout en leur exposant l’affaire en litige. Qui ? Moi ? Vendre mon filon pour dix mille dollars… Non pas ! Je fouillerai le sol et récolterai tout mon or moi-même. Alors je serai riche, énormément riche, et je partirai pour le Pays de Dieu — c’est la Californie du Sud qu’on appelle ainsi, vous le savez comme