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Lorsque nous t’avons élu juge de ce tribunal, il a été convenu que nous accepterions toutes tes décisions. Il en a été fait ainsi jusqu’à ce jour et, bon Dieu ! nous continuerons à le faire !

Marcus O’Brien penchait vers la clémence.

— J’admets, Jack, que j’ai été un peu dur envers toi, et je m’en excuse. Mais j’en ai par-dessus la tête, de tous ces crimes. Va pour une semaine de vivres !

Il toussa de nouveau pour s’éclaircir la gorge et, d’une voix magistrale, en jetant autour de lui un coup d’œil circulaire et rapide :

— Voici une affaire terminée, dit-il. Il ne reste plus qu’à exécuter la sentence. L’embarcation est prête. Leclaire, va chercher les vivres. Ce sera chose réglée.

Arizona Jack parut satisfait. Tout en marmonnant une protestation intérieure contre ces « damnés petits z’oiseaux », il enjamba le bord du bateau, qui heurtait spasmodiquement la rive contre laquelle il était amarré.

C’était une grossière et solide embarcation, assez large, construite avec des troncs de sapins sciés à la main et à peine équarris, qui provenaient des futaies riveraines du lac Linderman, situé à quelques centaines de milles de Red Cow. Dans le bateau se trouvaient une paire d’avirons et les couvertures d’Arizona Jack. Leclaire apporta les vivres, qui étaient ficelés dans un grand sac à farine, et les déposa à bord. Ce faisant, il chuchota à l’oreille de Jack :

— J’ai mis bonne mesure, en considération de ce que tu avais été provoqué…

— Larguez ! cria Jack.

La corde qui retenait le bateau à la rive fut détachée et celui-ci, poussé dans le fleuve, fut aussitôt agrippé par le courant, qui l’emporta dans un tournoiement.

Le condamné, laissant faire le Yukon, ne s’inquiéta