Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Braise d’Or était fort ennuyée. Ayant plaqué Dave, elle ne tenait pas autrement à se trouver nez à nez avec lui. Une prompte décision s’imposait. Ce fut elle qui la prit, m’a affirmé le vieux Français. Le musicien, pommadé, le fameux comte russe était son esclave très soumis. Il fit simplement ce qu’elle voulait. Et voici ce qui fut résolu. Tandis que Dave remonterait le Yukon vers Dawson, tous deux descendraient le fleuve, en sens inverse, vers Circle-City.

« Ils s’embarquèrent donc, de compagnie, sur le Golden-Rocket. Je fis comme eux, car j’avais aussi à me rendre à Circle-City. Grand fut mon étonnement de trouver à bord Braise d’Or, heureuse et souriante. Je consultai la liste des passagers et je constatai qu’elle n’y figurait pas. En revanche, le comte russe y était inscrit « avec sa femme ». Cabine et numéro, tout était en ordre. J’appris ainsi qu’ils devaient, sans doute, s’être mariés. Très probablement, pensai-je, la cérémonie avait eu lieu un peu avant l’embarquement.

« Se marieraient-ils, ne se marieraient-ils pas ? Maint pari avait été engagé à ce sujet, à Dawson, depuis qu’on savait Braise d’Or férue de ce comte russe, qui avait supplanté Dave dans son cœur.

« Tu sais comme moi quel aspect présentent les vapeurs du Yukon. Et tu peux t’imaginer ce qu’était le Golden-Rocket, quand il quitta Dawson, en ce mois de juin 1898. C’était une ruche tassée et bourdonnante.

« Comme ce départ était le premier de la saison, il emmenait avec lui tous les scorbutiques et tous les autres déchets des hôpitaux. Sans compter une foule, pressée et compressée de passagers, passagers de pont ou de cabine, des Indiens avec leurs squaws, et d’innombrables chiens. Il devait, en outre, emporter avec lui pour deux millions au moins de dollars, en poussière d’or et en pépites du Klondike.