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L’AGONIE

tensions de jambes qui paraissaient les grandir. Puis elles voltèrent et, pendant que les unes jouaient, sur un simple mode répété, les autres avaient des rapprochements de pas et des tournoiements de leur robe d’une seule étoffe, qu’elles élevaient au-dessus de la tête, en-se découvrant du col aux cuisses. Elles semblaient virer, à demi-nues, en un tourbillon de volupté que heurtaient le bruit des crotales et des cymbales, le cri des flûtes, le rire des cistres, le pincement des tambourahs et des lyres, qui se précipitaient. Et elles s’en allèrent, enchevêtrant leurs pas, en un finale où dominait la flûte, en strideur dé plaisir aigu, suivies d’Elva et de Mamer, chassés à coups de pieds par Tubero devenu comme ivre ; et qui roulèrent à travers les fauces des corridors obscurs, à travers le tablinum et l’atrium, jusqu’au vestibule, sous les grands éclats de rire de Julia et le contentement hébétueux de Potitus et d’Asprenas, celui-ci regardant la scène de son unique œil rond, à la fois triste et inquiet.

Tubero avait fait élever, pour Madeh et Atillius, un lit de bronze dans une chambre qu’il leur montra par un écartement de tapisserie. Il suivit Julia, qu’enveloppait un cortège de femmes apparues avec des vêtements de nuit sur les bras. Asprehas et Politus s’en retournèrent, accompagnés par des esclaves porteurs de lanternes. La maison du notable entra en la paix de la nuit, à peine troublée par la lyre qu’une musicienne, une psaltria, accordait au fond des cubiculas, par les gémissements, au dehors, de l’esclave flagellé, et le bruit des grosses clefs fermant les lourdes portes roulant sous des impostes épais.


III


Une lourde matinée dans un ciel exquisement bleu s’étalait sur Brundusium qu’elle abluait d’une vapeur flottante à peine dissipée parle soleil montant. Au seuil de la maison de