Page:Loi salique, ou Recueil contenant les anciennes rédactions de cette loi et le texte connu sous le nom de "Lex emendata".djvu/779

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Disseration quatorzième, sur la législation des successions chez les Francs[1]

Je me propose de présenter, dans cette dissertation, les notions qu’il m’a été possible de réunir d’après la loi Salique, les formules qui s’y rattachent, les édits des rois et les autres documents de la première race, sur le système des successions chez les Francs.

Le titre lxii de la loi Salique, qui sera l’objet de ma discussion, porte, dans la Lex emendata, la rubrique De alode ; les textes des anciennes rédactions portent De alodis, alodibus, variantes sans importance.

Par une singulière circonstance, qui mérite d’être remarquée, les six paragraphes du titre lxii ne présentent alodis dans aucune des rédactions qui nous sont parvenues. Il est donc convenable de commencer par expliquer le sens de ce mot qui ne se trouve que dans la rubrique, et qui cependant a des rapports nécessaires avec le titre quelle sert à désigner.

La racine du mot alodis appartient incontestablement à l’ancienne langue des Francs. Je me suis expliqué à ce sujet, d’une manière générale, page 538 ; mais je dois entrer dans quelques développements sur l’objet spécial dont il s’agit en ce moment. On a vu que deux étymologies du mot alodis avaient été proposées. M. Guizot, dont l’opinion est celle de M. Philipps, le fait venir de a-kloth ou a-lod, qui signiiie la part, le lot ; et rattachant cette explication à ce que B. Rhenanus, Pithou et du Cange avaient dit sur le sens de l’expression terra salica qu’on lit dans le § 6 de notre titre lxii, ce savant a cru que le mot alodis avait la même signification ; qu’en conséquence il désignait le bien provenu par l’effet de la conquête, le lot ou le partage. Dans cette hypothèse, alodis n’aurait qu’une acception restreinte ; il ne s’appliquerait qu’à une classe particulière des biens dont pouvait être composée la fortune du père de famille. Comme il est incontestable qu’un Franc, après avoir reçu son lot, avait pu acquérir par vente, donation, etc. des biens d’une autre origine, il faudrait, dans l’opinion des savants que je viens de nommer, ne point comprendre ces biens dans la dénomination alodis écrite en tête du titre lxii, et admettre que la loi Salique ne s’est pas occupée de la succession à ces sortes de biens.

  1. Cette dissertation et la partie de la précédente qui concerne des droits réciproques des époux, quant aux biens, ont été lues à l’Académie en 1840 et 1841.