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après avoir assisté aux obsèques de son ancien collaborateur, il passait sur le boulevard des Italiens ; il y fit la rencontre de M. Franzini, dont il ignore le titre actuel, et que d’ailleurs il ne reconnut pas. M. Franzini l’interpella en ces termes :

» — Ah ! vous avez voulu m’arrêter ! eh bien ! c’est moi qui vous arrête.

» — Quand j’ai donné l’ordre de votre arrestation, répondit M. Morin, j’accomplissais un devoir, j’avais un mandat régulier ; montrez-moi le vôtre.

» — Est-ce que j’ai besoin de cela ? répliqua Franzini. Puis il poussa une tirade plus virulente qu’académique, qu’il termina par ces mots : — D’ailleurs n’avez-vous pas écrit au Rappel ?

» M. Frédéric Morin avait en effet écrit au Rappel plusieurs articles de critique courageuse contre la Commune.

» M. Franzini fit conduire M. Frédéric Morin — entre deux soldats — à pied, dans les rues de Paris, au général Pradier, non pas, il est vrai, au malheureux Pradier qui était rentré dans la marine, mais à son frère.

» Celui ci fut plus brusque encore que Franzini.

» — Ah ! vous avez voulu faire assassiner mon frère (sic) ; eh bien ! je vous tiens !

» Et là-dessus coups de poing dans le chapeau de l’ancien préfet de Saône-et-Loire, mots violents et grossiers, menaces absurdes. M. Morin eut la force de se contenir.

» Après cette scène violente, M. Frédéric Morin fut conduit aux Champs-Elysées, chez le général de Gallifet et lui demanda vainement d’être conduit chez le préfet de la Seine, M. Jules Ferry, qui aurait pu lui rendre témoignage. Refus absolu. L’ancien préfet, fut conduit à un espèce de campement, où on ne lui permit même pas d’écrire une lettre, et le lendemain dirigé sur Versailles.

» Pendant tout ce temps, il entendit vingt fois au