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sion légitime. T. Moilin convint volontiers de tout cela ; il reçut, d’ailleurs, de grands compliments sur la façon convenable et digne dont il s’était exprimé ; sur la fermeté, exempte d’affectation et de forfanterie, qu’il avait montrée ; seulement, l’un des officiers qui composaient la cour, à propos de cet ami qui l’avait mis à la porte à l’heure du plus grand danger, lui fit observer qu’il avait là un singulier ami !

Tony Moilin n’eut qu’à se louer de l’urbanité des membres de la cour. On lui accorda sans difficulté un répit de douze heures, pour qu’il pût faire son testament, écrire quelques mots d’adieux à son père, enfin donner son nom à une personne qui lui avait, dans le procès de Blois et depuis, montré le plus rare dévouement. Après ces devoirs remplis, le 28 mai au matin, Tony Moilin fut conduit à quelques pas du palais, dans le jardin, et fusillé ! Son corps, que sa veuve avait réclamé, et que l’on avait d’abord promis de rendre, lui fut refusé. L’on dit, pour raison de ce refus, que l’autorité ne voulait point que la tombe de T. Moilin, de qui le parti socialiste ferait sans doute un martyr, devint l’occasion et le théâtre de rassemblements tumultueux. Sur l’insistance de la famille, M. le général de Cissey a fini par répondre qu’il regrettait qu’on ne pût lui délivrer ces tristes restes, mais qu’ils avaient été confondus avec ceux d’un grand nombre de condamnés, et qu’il était impossible de les reconnaître.

Ce jugement de la cour martiale du 2me corps d’armée fut le dernier qu’elle prononça. A partir du 28 mai, tous les accusés, même ceux pris les armes à la main[1], même les chefs de l’insurrection les plus coupables, furent conduits à Versailles et déférés aux conseils de guerre ; ils ne sont pas encore jugés aujourd’hui.

Si l’ami de T. Moilin eût conservé son dévouement vingt-quatre heures de plus, ce dernier échappait à la

  1. Le correspondant ne parle sans doute que da la cour martiale du 2me corps.