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mai au 13 juin la préfecture de police reçut 379,823 dénonciations. Les numéros d’ordre du registre où ces correspondances étaient centralisées permirent d’établir cette statistique de l’infamie. Un grand nombre de gens avaient cru qu’une prime de 500 francs était délivrée à tout dénonciateur de quelque personnage de la Commune. Aussi la police put facilement reconstruire la liste des délégués de bataillon à la Fédération de la garde nationale. Dans certains quartiers, les gens notables organisèrent des réunions privées où ils dressèrent et envoyèrent à la préfecture les listes des citoyens dont ils voulaient épurer l’arrondissement. Les concierges furent en général les auxiliaires les plus dévoués de la terreur. Nous en connaissons un dont les dénonciations ont fait fusiller deux personnes[1]. Les gens de l’ordre travaillaient

  1. Il y eut, comme on le pense bien, de généreuses exceptions. Le 23, au faubourg Saint-Denis, après la prise de la barricade, les soldats fouillèrent une maison dans laquelle demeurait un commissaire de police de la Commune. Un des habitants livra ce malheureux, qui fut emmené pour être fusillé. La concierge se précipita vers l’officier, s’attacha à ses vêtements : « Monsieur, monsieur, cria-t-elle d’une voix déchirante, ce n’est pas moi qui l’ai livré ! Dîtes que ce n’est pas moi ! — Voyons, dit-elle — en se tournant terrible vers