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foule, nous écoutâmes devant la porte. Ce n’était pas toujours le bruit de la fusillade ; on distinguait très-nettement le grincement des mitrailleuses. Des artilleurs qui sortirent nous confirmèrent l’affreuse vérité. On expédiait des prisonniers par troupeaux de cinquante et de cent hommes. Les pelotons d’exécution étant harassés de fatigue, et ajustant mal, les officiers, par humanité, disaient-ils, avaient fait avancer des mitrailleuses. L’interrogatoire n’était qu’un défilé devant la cour ; car tous les prisonniers faits au cimetière étaient marqués pour la mort et parqués à part comme des moutons. Les artilleurs, qui parlèrent devant nous ; secouaient sur le trottoir leurs souliers dégouttants de sang ; plusieurs femmes défaillirent. Le sang coulait à gros bouillons dans les ruisseaux intérieurs de la prison. Un officier sortit les yeux égarés, vacillant ; cette tuerie lui avait donné le vertige. De ces tas humains il sortait des râles, car tous n’étaient pas tués du coup ; on n’avait pas le temps de leur donner le coup de grâce. On jeta bien encore quelques paquets de balles à travers ces monceaux sanglants, mais malgré tout, les soldats entendirent pendant la nuit des agonies désespérés.

Quel historien parlera maintenant des mas-