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les prisonniers ; ceux qui résistaient étaient attachés à la grille ; que des milliers d’hommes, de femmes et de vieillards étaient conduits à Versailles, par troupeau, tête nue, et qu’au moindre signe d’opposition, ils étaient massacrés à coups de revolver. Les femmes racontaient les exécutions sans nombre des prétendues pétroleuses ; qu’il suffisait d’appartenir à un combattant ou de lui donner asile, pour partager son sort. Un épisode horrible avait eu lieu rue Turbigo. Une femme s’était jetée entre son mari et les soldats qui le poursuivaient, élevant entre ses bras son enfant à la mamelle. Vingt coups de baïonnette clouèrent l’enfant sur le sein de sa mère. Le mari, qui, fou de rage, s’était rué sur les soldats et en avait blessé deux, fut assommé à coups de crosse et son corps littéralement dépecé.

Vers cinq heures, nous rencontrâmes, descendant la rue des Amandiers, un détachement dont le chef disait à haute voix : « Je vais à la Roquette ». Nous crûmes à quelque engagement de ce côté, ce qui nous surprit, car nous venions de la rue Sedaine, et la place du Trône appartenait encore aux fédérés. Vers sept heures, étant en face du quartier général, établi au 95 de la rue Haxo, dans une propriété particulière,