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d’obus les barricades du faubourg. Le flanc de la Bastille et de la place du Trône se trouvait ainsi entamé.

L’aspect de la partie de Paris aux mains de l’armée était encore plus sinistre que les jours précédents. Toutes les maisons étaient hermétiquement fermées. Le bruit avait couru que des femmes jetaient du pétrole jusque dans les caves des maisons, pour y propager l’incendie et rendre l’embrasement général. Chacun alors de boucher les soupiraux des caves, les moindres fissures des boutiques. Seules, la peur et la mort couraient les rues. La colère, le désespoir aveuglaient la raison, étouffaient tout sentiment humain. Un des journaux de la bourgeoisie conservatrice, le Siècle, s’exprimait ainsi le 26 au matin :

« L’horrible spectacle des cadavres sanglants et des habitations en flammes provoque à cette heure, dans les esprits les plus fermes et les plus bienveillants, une sorte de folie furieuse. On ne se possède plus, on voit trouble. On ne distingue plus le juste de l’injuste, l’innocent du coupable. La suspicion est dans tous les yeux. Les dénonciations abondent. On découvre partout la main de l’incendiaire. Les arrestations arbitraires se multiplient d’heure