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le ciel, révélaient des explosions formidables. A deux pas, à chaque minute, une lueur jaillissait dans la nuit, c’était le Père-Lachaise qui nous assourdissait de ses obus. Nous restâmes jusqu’au jour, muets et immobiles, regardant ces vagues de flammes. L’histoire se dressait derrière elles. — Les Athéniens abandonnant leur ville à l’incendie et au pillage pour se soustraire au joug des Perses ; Guillaume le Taciturne proposant de livrer à l’Océan le sol des Pays-Bas, plutôt que de le laisser fouler par l’étranger ; Saragosse défendant pied à pied, brûlant ses maisons contre l’envahisseur ; Moscou, dans son incendie sublime, s’offrant en holocauste à la Russie ! — Si, au mois de janvier, les Prussiens étaient entrés de vive force dans Paris et que les Parisiens eussent brûlé leur ville, le monde entier chanterait leur héroïsme, et le monde aurait raison, parce qu’il n’y a rien de plus noble que la grandeur de la passion au service de la grandeur de l’idée. Mais quoi ! ce peuple héros devant l’étranger devait donc être appelé assassin, criminel, misérable, parce qu’il mourait pour la République universelle, parce que, défendant sa religion, sa conscience, son idée, il préférait, dans son enthousiasme farouche, s’ensevelir dans les