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Un homme, un homme seul il faut maudire ; le criminel, c’est Napoléon !

Et sais-tu, Jacques, quelle estime il avait pour ces esclaves volontaires ?

Tu as entendu parler de cette fameuse campagne de Russie. En 1812, pour satisfaire un caprice du maître, cinq cent mille Français sont lancés aux extrémités de l’Europe. À travers des carnages affreux (toutes les victimes de la Révolution, à Paris, ne font pas la quarantième partie d’une de ces batailles, celle de la Moscowa), ils se font jour jusqu’à Moscou. Les Russes, héroïques, brûlent la ville sainte, et l’armée française, sans asile, est forcée de battre en retraite, livrée aux rigueurs du plus mortel hiver que le siècle ait connu. À pied, sans approvisionnements, harcelés par les Cosaques, toutes les routes évanouies sous la neige, obligés d’abandonner leurs fourgons, leurs canons, leurs chevaux, précipités dans des fleuves glacés, cinq cent mille Jacques Bonhomme reprirent le chemin de la France et semèrent de leurs cadavres cinq cents lieues de la Russie. Moins de vingt mille revirent la patrie. Et pendant cette effroyable débâcle, lui, le César, chaudement enveloppé dans de riches four-