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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

19. — Malgré les approches versaillaises, la défense ne s’anime pas. Les bastions 72 et 73 envoient quelques rares obus sur le village et le fort d’Issy. Du Point-du-Jour à la porte Maillot, il n’y a que les canons de la porte Dauphine pour répondre aux cent pièces des Versaillais et contrarier leurs travaux du bois de Boulogne. Quelques barricades aux portes Bineau, d’Asnières et au boulevard d’Italie, deux redoutes place de la Concorde et rue Castiglione, un fossé rue Royale, un autre au Trocadéro, c’est tout ce que l’Hôtel-de-Ville a fait en sept semaines pour la défense intérieure. Aucun ouvrage à la gare Montparnasse, au Panthéon, aux buttes Montmartre dont deux ou trois pièces ne se sont éveillées le 14 que pour tuer, par un tir mal réglé, des fédérés à Levallois. À la terrasse des Tuileries, une douzaine de pioches tombent mélancoliquement sur un fossé inutile. Le Comité de salut public ne peut pas, dit-il, trouver d’hommes et il a cent mille sédentaires et des millions sous la main.

Nous sommes à la période de l’immense lassitude. Les compétitions, les disputes ont détrempé toutes les énergies. De quoi s’occupe la Commune le 19 ? Des théâtres. Vaillant soutient que l’intervention de l’État est légitime, que le personnel est exploité, qu’il faut appliquer aux théâtres le régime de l’association. Félix Pyat ne veut pas plus de l’État dans le théâtre que dans la littérature ; « les paysans du Berry ne doivent pas payer des danseuses à l’Opéra » ; et il fait une diatribe contre les Académies de musique et de médecine ; « Qu’avons-nous produit de remarquable depuis que nous avons un Théâtre Français ? Si la science française est en arrière, si son génie est inférieur à celui des autres nations, la cause doit remonter surtout à ces patronages nuisibles. » Et on lui répond, et il réplique, jusqu’à ce qu’un membre s’écrie : « Ce n’est pas quand on nous tire dessus que nous devons parler ici de théâtres ! » On passe alors à certaine affiche du Comité Central lequel, d’après un « pacte » fait avec certains membres de la Commune, vient d’absorber l’administration de la Guerre. Et c’est vrai : les membres du Comité se croient tellement les maîtres qu’un d’eux, par décret inséré à l’Officiel, « invite » les habitants de