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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Nous trouverons demain le compte rendu dans L’Officiel de la Commune.

Ne quittons pas la rive gauche sans visiter la prison militaire. Demandez aux prisonniers versaillais s’ils ont trouvé à Paris une menace, une injure, s’ils ne sont pas traités en camarades, soumis au régime de tous, rendus à la liberté quand ils veulent aider leurs frères de Paris.

Voici la soirée de la grande ville. Les théâtres s’ouvrent. Le Lyrique donne une grande représentation musicale au profit des blessés, et l’Opéra-Comique en prépare une autre. L’Opéra que Michot, le grand chanteur n’a pas abandonné, annonce pour lundi 22 une solennité exceptionnelle où Raoul Pugno nous donnera l’hymne de Gossec. Les artistes de la Gaîté, abandonnés par le directeur, dirigent eux-mêmes leur théâtre. Le Gymnase, le Châtelet, le Théâtre-Français, l’Ambigu-Comique, les Délassements, trouvent la foule tous les soirs. Allons aux spectacles que Paris n’a pas vus depuis 1793.

Dix églises s’ouvrent et la révolution monte en chaire. Au vieux Gravilliers, Saint-Nicolas-des-Champs s’emplit d’un puissant murmure. Quelques becs de gaz tremblotent dans le fourmillement de la foule, et, là-bas, noyé dans l’ombre des arceaux, le Christ est décoré de l’écharpe communeuse. Le seul foyer lumineux, le bureau en face de la chaire, est aussi drapé de rouge. L’orgue et la foule mugissent la Marseillaise. La pensée de l’orateur, surchauffée par ce milieu fantastique, s’échappe en invocations que l’écho répète comme une menace. Il traite de l’événement du jour, des moyens de défense. Les membres de la Commune sont fort malmenés. Les votes de la réunion seront portés demain à l’Hôtel-de-Ville. Les femmes quelquefois demandent la parole ; elles ont aux Batignolles un club spécial où s’élèvent des paroles de guerre et de paix. S’il sort peu d’idées précises de ces réunions enfiévrées, combien y trouvent provision de flamme et de courage.

Neuf heures ; nous pouvons atteindre au concert des Tuileries. À l’entrée, des citoyennes accompagnées de commissaires quêtent pour les veuves et les orphelins