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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

la presse bonapartiste et rurale peut inonder les départements d’articles infâmes où l’on affirme que dans Paris on tue, on viole, on vole, et vous vous taisez !… Quoi ! M. Thiers peut affirmer que ses gendarmes n’assassinent pas les prisonniers : vous ne pouvez ignorer ces atroces exécutions et vous vous taisez ! Montez à la tribune, dites aux départements la vérité que les ennemis de la Commune leur cachent avec tant de soin… Mais nos ennemis sont-ils les vôtres ! »

Appel inutile que la lâcheté de la Gauche versaillaise sut tourner. Louis Blanc tartufa : « O guerre civile ! Affreuse lutte ! Le canon gronde ! On tue, on meurt et ceux qui dans l’Assemblée donneraient volontiers leur vie pour voir résoudre d’une manière pacifique ce problème sanglant, sont condamnés au supplice de ne pouvoir faire un acte, pousser un cri, dire un mot !… » Depuis la naissance des Assemblées françaises, on ne vit banc de Gauche aussi ignominieux. Les coups, les insultes, dont on couvrait les prisonniers ne purent tirer une protestation à ces députés parisiens. Un seul, Tolain, demanda des explications sur l’assassinat de la Belle-Épine.

Leurs calomnies purent bien étouffer l’action, non les angoisses de la province. De cœur, de volonté, les ouvriers de France étaient avec Paris. Les employés des gares haranguaient les soldats au passage, les adjuraient de mettre la crosse en l’air ; les affiches officielles étaient arrachées. Les centres envoyaient leurs adresses par centaines. Tous les journaux républicains prêchaient la conciliation. L’agitation devenait chronique. M. Thiers lança Dufaure, le Chapelier de la bourgeoisie moderne, un des plus odieux exécuteurs de ses basses œuvres. Le 23 avril, il enjoignit à ses procureurs de poursuivre les écrivains qui soutiendraient la Commune, « cette dictature usurpée par des étrangers et des repris de justice, qui signale son règne par le vol avec effraction, la nuit et à main armée chez les particuliers », de faire main basse sur « les conciliateurs qui supplient l’Assemblée de tendre sa noble main à la main tachée de sang de ses ennemis. » Versailles espérait ainsi faire la terreur au moment des