Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

tordant les votes de l’Assemblée[1], le donne pour mot d’ordre. Aux premiers soulèvements, tous ses fonctionnaires de province reçoivent la même formule : « Nous défendons la République contre les factieux. »

C’était bien quelque chose. Mais les votes ruraux, le passé de M. Thiers, juraient contre ces protestations républicaines et les anciens héros de la Défense n’offraient plus caution suffisante. M. Thiers le sentit et il invoqua les purs des purs, les chevronnés, que l’exil nous avait rejetés. Leur prestige était encore intact aux yeux des démocrates de province. M. Thiers les prit dans les couloirs, leur dit qu’ils tenaient le sort de la République, flatta leur vanité sénile, les conquit si bien qu’il s’en fit un bouclier, put télégraphier qu’ils avaient applaudi les horribles discours du 21 mars. Quand les républicains de la petite bourgeoisie provinciale virent le fameux Louis Blanc, l’intrépide Schœlcher et les plus célèbres grognards radicaux, insulter le Comité Central, eux-mêmes ne recevant de Paris ni programme, ni émissaires capables d’échafauder une argumentation, ils se détournèrent, on l’a vu, laissèrent éteindre le flambeau allumé par les ouvriers.

Le canon du 3 avril les réveilla un peu. Le 5, le conseil municipal de Lille, composé de notabilités républicaines, parla de conciliation, demanda à M. Thiers d’affirmer la République. De même celui de Lyon. Saint-Ouen envoya des délégués à Versailles. Troyes déclara qu’il était « d’esprit et de cœur avec les héroïques citoyens qui combattaient pour leurs convictions républicaines. » Mâcon somma le Gouvernement et l’Assemblée de mettre fin à la lutte par la reconnaissance d’institutions républicaines. La Drôme, le Var, Vaucluse, l’Ardèche, la Loire, la Savoie, l’Hérault, le Gers, les Pyrénées-Orientales, vingt départements, firent des adresses pareilles. Les travailleurs de Rouen déclarèrent qu’ils adhéraient à la Commune ;

  1. Le 23, Picard télégraphie au procureur général d’Aix : « La République a été de nouveau affirmée avant-hier, dans une proclamation de l’Assemblée. » La proclamation que l’Assemblée avait refusé de terminer par le cri de : « Vive la République ! »