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de la Guerre, les Télégraphes, l’Officiel, la Préfecture de police. C’est que la première note est juste. Que dire contre ce pouvoir qui, à peine né, parle de s’effacer ?

Autour de lui les gerbes de baïonnettes s’épaississent. Vingt mille hommes campent sur la place de l’Hôtel de Ville, le pain au bout du fusil. Cinquante bouches à feu, canons et mitrailleuses, alignées le long de la façade servent de chevaux de frise à la maison commune. Les cours, les escaliers sont pleins de gardes qui prennent leur repas. La grande salle du Trône regorge d’officiers, de gardes, de civils. Dans la salle de gauche où est l’état-major, le bruit cesse. La pièce en retour sur la Seine est l’antichambre du Comité. Une cinquantaine d’hommes écrivent, sur une longue table. Ici la discipline, le silence. De temps en temps la porte gardée par deux sentinelles laisse passer un membre du Comité qui porte un ordre ou fait un appel.

La séance a recommencé. Babick demande que le Comité proteste contre les exécutions de Clément Thomas et de Lecomte auxquelles il est complètement étranger. « Il importe, dit-il, que le Comité dégage sa responsabilité. » On lui répond : « Prenez garde de désavouer le peuple ou craignez qu’il ne vous désavoue a son tour. » — Rousseau : « Le Journal officiel déclare que les exécutions se sont faites sous nos yeux. Nous devons arrêter ces calomnies. Le peuple et la bourgeoisie se sont donné la main dans cette Révolution. Il faut que cette union persiste. Vous avez besoin que tout le monde prenne part au scrutin. » — « Eh bien, abandonnez le peuple pour conserver la bourgeoisie ; le peuple se retirera et vous verrez si c’est avec des bourgeois qu’on fait les révolutions »[1].

Le Comité décide qu’une note insérée à l’Officiel rétablira la vérité. Moreau propose et lit un projet de manifeste qui est adopté.

  1. Les procès-verbaux du Comité Central n’ont jamais été rédigés mais un de ses membres les plus assidus a reconstitué les séances capitales. C’est dans ses notes, contrôlées par plusieurs de ses collègues, que nous prenons ces détails. Les comptes rendus de Paris-Journal qui ont alimenté les historiens réactionnaires,