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dre par derrière, avant qu’il puisse rapprocher ses troupes pour s’en garantir.

À Pharsale, César attaque de front toutes les cohortes de Pompée, et sa ligne oblique, qui couvre le flanc de ses trois lignes d’infanterie, est formée par un angle saillant. Il y a lieu de croire que sa cavalerie était aussi en ligne oblique appuyée à la droite de sa première ligne et des cohortes détachées, six étaient appuyées à la seconde ou troisième ligne, formant de même une ligne oblique, afin que la cavalerie ennemie ne pût si facilement embrasser leurs flancs et les prendre en même temps par derrière ce qu’elle aurait pu faire, si elles eussent été en ligne droite ;, au lieu que ces colonnes en ligne oblique sont bien disposées pour soutenir sa cavalerie, qu’il a toujours compté devoir être repoussée.


Combien il est essentiel & un général d’armée de s’expliquer clairement dans les ordres qu’il donne aux officiers et aux troupes qu’il commande.

Quand on décrit des actions de guerre, eu il entre tant de différons mouvemens de troupes, on ne saurait trop chercher à les bien expliquer pour les faire bien comprendre. Il en est de même à l’égard des ordres que l’on donne aux troupes et aux officiers généraux, soit de bouche ou par écrit, où il faut que chaque chose soit si claire, qu’il ne soit pas possible de ne la pas comprendre, fauté de quoi l’on a souvent vu échouer une affaire dont on avait tout lieu d’attendre un heureux succès. Un terme trop vague et qui peut être entendu de différentes façons, donné dans un ordre, met toujours celui qui est charge de l’exécution dans le cas du choix de différens sens qu’il présente. À l’occasion des observations que je viens de faire, je me rappelle un exemple que je vais rapporter.

Un général avait eu avis que l’armée ennemie, qui était à quatre où cinq lieues de la sienne, devait décamper ; le lendemain qu’il eut reçu cet avis, il envoya devant lui un parti pour observer leur arrière-garde, et lui, quelque temps après, se mit en marche avec son aile droite de cavalerie. Comme il approchait du lieu, celui qui commandait ce parti l’envoya avertir que les ennemis décampaient, et qu’il voyait leur arrière-garde. Sur cet avis. il s’avance de sa personne, et ordonne à la cavalerie de marcher diligemment. Elle suivait un grand chemin, et ne formait qu’une colonne ; quand il eut bien examiné le nombre dé troupes que l’ennemi avait à son arrière-garde, il se crut en état de l’attaquer avec avantage. L’ennemi s’étant aperçu que le parti qui l’avait précédemment reconnu était soutenu par des troupes qui arrivaient successivement, comme ses colonnes de cavalerie n’étaient pas bien éloignées, les envoya chercher. Notre général, la voyant revenir sur deux colonnes, tandis que la sienne n’arrivait que sur une, jugea que plus il différerait de charger, plus l’ennemi aurait de supériorité sur lui par le nombre. Ainsi il fut obligé de se presser de charger. Dès qu’il eut seulement quatorze escadrons de formés de la première ligne de l’aile droite, il dit à un officier générai : « Monsieur, restez là avec les escadrons de la gauche de ma première ligne ; à mesure qu’il en arrivera, formez une seconde ligne, tandis que moi je vais toujours charger avec ce que j’en ai de formé ; » ce qu’il fit, et quoique plus faible de moitié, il battit la première et la seconde ligne de l’ennemi.