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ses visites nocturnes ; mais, espérant en être libéré dans peu, l’effet qu’elles produisaient sur moi était moins violent qu’auparavant.

« La nuit tant souhaitée arriva. Pour éviter d’exciter les soupçons, je me mis au lit à mon heure habituelle ; mais aussitôt que l’on m’eut laissé seul, je me rhabillai et me préparai à recevoir l’étranger. Minuit venait de sonner quand il entra dans ma chambre ; dans sa main était un petit coffre qu’il posa près du poêle. Il me salua sans parler : je lui rendis le compliment en observant le même silence. Alors il ouvrit le coffre. Le premier objet qu’il en sortit fut un petit crucifix de bois. Il se mit à genoux, le contempla avec tristesse, puis leva les yeux vers le ciel : il avait l’air de prier avec ferveur. Enfin il courba respectueusement la tête, baisa le crucifix trois fois, et quitta son humble posture. Ensuite il tira du coffre un gobelet couvert ; dedans était une liqueur qui avait l’air d’être du sang : il aspergea le plancher, et, y trempant un des bouts du crucifix, il traça un cercle au milieu de la chambre ; tout autour il plaça diverses reliques, des crânes, des ossements, etc. Je remarquai qu’il les disposait tous en forme de croix. Enfin il prit une grande Bible, et me fit signe de le suivre dans le cercle ; j’obéis.

« Ayez soin de ne pas proférer une syllabe ! » dit tout bas l’étranger ; « ne sortez pas du cercle, et, dans votre intérêt, ne vous avisez pas de me regarder au visage ! »

« Tenant le crucifix d’une main et de l’autre la Bible, il paraissait lire avec une profonde attention. L’horloge sonna une heure : j’entendis comme à l’ordinaire les pas de la nonne dans l’escalier ; mais je ne fus pas saisi de mon frisson accoutumé ; j’attendis son approche avec confiance. Elle entra dans la chambre, vint près du cercle et s’arrêta. — L’étranger marmotta quelques mots inin-