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sa seule ressource était de rentrer au château avant que la baronne ne remarquât son absence ; mais alors elle se trouva dans un nouvel embarras : l’horloge avait déjà frappé deux coups, l’heure consacrée au fantôme était passée, et le soigneux portier avait fermé la grande porte. Après bien des irrésolutions, elle s’aventura à frapper doucement. Par bonheur pour elle, Conrad était encore éveillé : il entendit le bruit, et se leva en grommelant d’être de nouveau dérangé. Il n’eut pas plus tôt ouvert un des battants et vu l’apparition supposée qui attendait derrière, qu’il jeta un grand cri et tomba sur ses genoux. Agnès profita de son effroi ; elle se glissa à côté de lui, vola chez elle, et s’étant dépouillée de son appareil de spectre, elle se mit au lit, essayant en vain de se rendre compte de ma disparition.

« Théodore, cependant, ayant vu ma voiture partir avec la fausse Agnès, s’en était retourné tout joyeux au village. — Le lendemain matin, il délivra Cunégonde et l’accompagna au château. Il y trouva le baron, sa femme et don Gaston qui discutaient la relation du portier. Ils s’accordaient tous trois à admettre l’existence des spectres, mais le dernier soutenait que frapper pour qu’on lui ouvrît, c’était de la part d’un fantôme un procédé jusqu’ici sans exemple et totalement incompatible avec la nature immatérielle d’un esprit. Leur discussion n’était point terminée lorsque le page parut avec Cunégonde et éclaircit le mystère. En entendant sa déposition, tout le monde tomba d’accord que l’Agnès que Théodore avait vue monter dans ma voiture devait être la nonne sanglante, et que le fantôme qui avait épouvanté Conrad n’était autre que la fille de don Gaston.

« Après le premier instant de surprise que causa cette découverte, la baronne résolut d’en profiter pour décider