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empêcha. Son mari était à l’autre bout de la chambre, et ne pouvait entendre.

« Prenez garde à vous ! » continua-t-elle ; « mon amour est devenu de la haine, et ma fierté blessée ne restera pas sans satisfaction. Allez où vous voudrez, ma vengeance vous suivra ! »

« Elle accompagna ces paroles d’un regard capable de me faire trembler. Je ne répondis pas, et je me hâtai de quitter le château.

« Comme ma chaise sortait de la cour, je regardai les fenêtres de votre sœur : personne n’y était ; je me rejetai découragé dans ma voiture. Je n’avais pour toute suite qu’un Français que j’avais pris à Strasbourg pour remplacer Stephano, et mon petit page dont je vous ai déjà parlé. Par sa fidélité, son intelligence et son bon naturel, Théodore m’était déjà cher ; mais il se préparait à me rendre un service qui me le fit considérer comme un ange gardien. À peine étions-nous à un demi-mille du château, qu’il approcha son cheval de la portière de ma chaise.

« Prenez courage, señor ! » dit-il en espagnol (il commençait déjà à le parler couramment et correctement) : « tandis que vous étiez avec le baron, j’ai épié le moment où dame Cunégonde était en bas, et j’ai monté dans la chambre qui est au-dessus de celle de doña Agnès. J’ai chanté aussi haut que j’ai pu un petit air allemand qui lui est bien connu, dans l’espoir qu’elle se rappellerait ma voix. Je ne me suis pas trompé, car bientôt j’ai entendu la croisée s’ouvrir. Je me suis hâté de laisser tomber une corde dont je m’étais pourvu. Lorsque j’ai entendu la fenêtre se refermer, j’ai tiré à moi la corde, et j’y ai trouvé ce papier attaché. »

« Il me présenta alors un petit billet à mon adresse.