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Cunégonde n’y a pas été oubliée. La voici ! Je n’oublierai jamais combien elle était en colère et comme elle était laide lorsqu’elle m’a grondée d’avoir fait d’elle un portrait si ressemblant. »

« Elle indiquait une figure burlesque de vieille femme dans une attitude de terreur.

« En dépit de la tristesse qui m’accablait, je ne pus m’empêcher de sourire de l’imagination enjouée d’Agnès : elle avait parfaitement attrapé la ressemblance de dame Cunégonde, mais elle avait tellement exagéré chaque défaut, et rendu chaque trait si irrésistiblement risible, que je conçus facilement la colère de la duègne.

« La figure est admirable, ma chère Agnès ! je ne vous savais pas si habile à saisir le ridicule. »

« Attendez un moment, » répliqua-t-elle ; « je vais vous montrer une figure encore plus ridicule que celle de dame Cunégonde. Si elle vous plaît, vous pouvez en disposer comme bon vous semblera. »

« Elle se leva, alla à une armoire placée à une petite distance, et prit dans un tiroir une petite boîte qu’elle ouvrit et me présenta.

« Connaissez-vous l’original de ce portrait ? » dit-elle, en souriant.

« C’était le sien.

« Ravi de ce présent, je pressai avec transport son image sur mes lèvres ; je me jetai à ses pieds, et lui exprimai ma reconnaissance dans les termes les plus brûlants et les plus passionnés. Elle m’écouta avec complaisance, et m’assura qu’elle partageait mes sentiments, quand tout à coup elle poussa un grand cri, dégagea la main que je tenais, et s’enfuit de la chambre par la porte qui donnait sur le jardin. Stupéfait de ce brusque départ, je me relevai promptement. Quelle fut ma confu-