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lequel il entra avec ardeur. Il se leva malgré sa maladie et s’habilla en toute hâte. J’attachai un des draps autour de ses bras et je le descendis par la fenêtre ; il courut à l’écurie, prit le cheval de Claude et galopa vers Strasbourg. S’il avait rencontre des bandits, il devait se dire chargé d’un message par Baptiste ; mais heureusement il atteignit la ville sans obstacle. Aussitôt arrivé, il implora l’assistance des magistrats ; son récit passa de bouche en bouche, et parvint enfin à la connaissance de monseigneur le baron. Inquiet de sa femme, qu’il savait devoir être sur la route ce soir-là, l’idée lui vint qu’elle pouvait être au pouvoir des voleurs. Il accompagna Théodore, qui guidait les soldats vers la cabane, et il arriva juste à temps pour nous empêcher de retomber dans les mains de nos ennemis. »

« Ici j’interrompis Marguerite, et je lui demandai pourquoi on m’avait présenté une potion assoupissante. Elle répondit que Baptiste me supposait des armes, et voulait me mettre hors d’état de faire résistance ; c’était une précaution qu’il prenait toujours, afin d’éviter que les voyageurs, voyant la fuite impossible, ne fussent poussés par le désespoir à vendre chèrement leur vie.

« Le baron alors pria Marguerite de lui faire connaître quels étaient ses projets ; je me joignis à lui, protestant de mon empressement à prouver ma reconnaissance à celle qui venait de sauver mes jours.

« Dégoûtée d’un monde où je n’ai rencontré que des malheurs, » répliqua-t-elle, « mon seul désir est de me retirer dans un couvent. Mais d’abord je dois m’occuper de mes enfants. J’apprends que ma mère n’est plus — vraisemblablement poussée avant l’âge au tombeau par ma fuite. Mon père vit encore ; ce n’est point un homme dur. Peut-être, messieurs, en dépit de mon ingratitude