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l’escalier. Jacques était occupé à mettre la nappe, et me tournait le dos. Marguerite profita du moment où nous n’étions pas observés ; elle me saisit la main, et la serra fortement.

« Regardez les draps, » dit-elle, en passant près de moi ; et aussitôt elle reprit sa première occupation.

« Étonné de la brusquerie de son geste, je restai comme pétrifié. La voix de Robert, qui m’invitait à le suivre, me rappela à moi-même. Je montai l’escalier. Mon guide m’introduisit dans une chambre où un excellent feu de bois flambait dans la cheminée. Il mit la lumière sur la table, s’informa si j’avais d’autres ordres à donner, et, avant su que non, il me laissa. Vous pouvez bien penser que dès l’instant où je me trouvai seul, je suivis le conseil de Marguerite. Je me hâtai de prendre la chandelle, je m’approchai du lit, et je défis la couverture. Quelle fut ma stupéfaction, mon horreur, en voyant les draps rouges de sang !

« En ce moment, mille idées confuses me traversèrent l’esprit. Les voleurs qui infestaient le bois, l’exclamation de Marguerite au sujet de ses enfants, les armes et l’apparence des deux jeunes gens, et les différentes anecdotes que j’avais entendu raconter sur l’intelligence secrète qui existe fréquemment entre les bandits et les postillons ; toutes ces circonstances furent autant de lueurs qui me remplirent de doute et d’appréhension. Je pesais dans ma tête les moyens les plus probables de m’assurer de la justesse de mes conjectures, quand, soudain, j’entendis en bas quelqu’un qui allait et venait d’un pas agité. Tout m’était devenu sujet de soupçon : je m’approchai avec précaution de la fenêtre, laissée ouverte, en dépit du froid, pour aérer la chambre qui était restée longtemps inoccupée. Je me hasardai à regarder au de-