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pouvait maintenant espérer de la tranquillité. Elle persévéra dans son dessein, et prononça ses vœux. Je l’allai voir souvent à la grille ; et chaque moment que je passai avec elle me fit éprouver plus de chagrin de sa perte. Peu de temps après, je fus obligé de quitter Madrid ; je ne suis revenu que hier au soir, et depuis je n’ai pas eu le temps d aller au couvent de Sainte-Claire.

« Ainsi, avant de l’entendre de ma bouche, le nom d’Alphonso d’Alvarada vous était inconnu ? »

« Pardonnez-moi ; ma tante m’a écrit qu’un aventurier de ce nom avait trouvé moyen de s’introduire dans le château de Lindenberg, qu’il s’était insinué dans les bonnes grâces de ma sœur, et qu’elle avait même consenti à s’enfuir avec lui. Mais, avant que ce plan ne pût être exécuté, le cavalier apprit que les terres qu’il croyait être les propriétés d’Agnès, à Saint-Domingue, m’appartenaient à moi. Cette découverte le fit changer d’idée : il disparut le jour où l’enlèvement devait avoir lieu, et Agnès, au désespoir de sa perfidie et de sa bassesse, prit le parti de se renfermer dans un couvent. Ma tante ajoutait, que comme cet aventurier s’était donné pour être un de mes amis, elle désirait savoir s’il m’était connu. Je répondis que non. Je ne me doutais guère alors qu’Alphonso d’Alvarada et le marquis de Las Cisternas étaient une seule et même personne : le portrait qu’on me faisait du premier n’avait aucun rapport avec ce que je savais du second. »

« En cela je reconnais facilement le caractère perfide de doña Rodolpha. Chaque mot de ce récit porte le cachet de sa méchanceté, de sa fausseté, du talent qu’elle a de noircir ceux à qui elle veut nuire. Pardonnez-moi, Médina, de parler si librement de votre parente. Le mal qu’elle m’a fait autorise mon ressentiment, et quand vous